O Marrare número 14
Confira em O Marrare - Entrevista com Salgado Maranhão: "Poeta é aquele que não sabe ser de outro jeito."

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LE MERVEILLEUX ET LA POETIQUE DE L'INCERTAIN DANS LA DAME AU PIED DE CHEVRE (DU MOYEN AGE AU XXI SIECLE)

Ana Maria Machado
Centro de Literatura Portuguesa / Faculdade de Letras da Universidade de Coimbra
anamacha@fl.uc.pt

Le merveilleux et la poetique de l'incertain dans la dame au pied de chevre (du moyen âge au xxie siecle)
Dans la tradition des légendes mélusiniennes, assez connues dans la littérature médiévale française et allemande, le conte Dame au pied de chèvre se présente comme la version portu-gaise fondatrice de la famille des Haros. Ce noble lignage affirmait son indépendance face au roi de Castille.
Palavras-chave: Literatura Contemporânea. Geração Beat. Jack Kerouac. Ordinário.

Dans la tradition des légendes mélusiniennes, assez connues dans la littérature médiévale française et allemande, le conte Dame au pied de chèvre se présente comme la version portugaise fondatrice de la famille des Haros. Ce noble lignage affirmait son indépendance face au roi de Castille, se pré-sentant comme descendant d'une figure mythique garant de prospérité. Bien que le texte originel puisse remonter au XIIe siècle, il n'est conservé que dans le Livro de Linhagens, de D. Pedro, comte de Barcelos (1340-1344 env.) . Le succès de l'histoire dépasse clairement la fonctionnalité médiévale et, au XIXe siècle, Alexandre Herculano l'inscrit dans son volume Lendas e narrativas (1992) . Tout récemment, Hélia Correia (2004) reprend le sujet en inventant une destinée pour Dona Sol, la fille disparue à jamais dans les versions anté-rieures.

Au cours de mon article, j'essaierai de démontrer la co-présence du mer-veilleux et d'un fantastique "accidentel" (Dubost, I, 125), dans le premier cas, et la métamorphose fantastique témoignée par les deux autres.

1. La Dame au pied de chèvre médiévale n'est pas souvent abordée dans les études sur «la fée de l'essor économique» du Moyen Âge (Le Goff, "Melusi-na", 306), peut-être par méconnaissance de son existence . Quoique le statut de cette dame de la forêt , en tant que défricheuse ne soit pas aussi marqué que dans d'autres versions médiévales, le symbolisme de ses exigences finales montrent bien l'importance de la fonction nourricière.

En bref, l'histoire se déroule autour de Diogo Lopes qui tombe amoureux d'une belle dame, lorsqu'il l'écoute chanter sur un rocher. Sachant qu'elle est issue d'une haute lignée, il se présente comme le propriétaire d'un grand do-maine et la demande en mariage. Elle accepte à condition qu'il ne se signe pas. Plus tard, il s'aperçoit qu'elle a un pied fourchu mais ils vécurent, malgré tout, heureux, avec leurs deux enfants. Un jour, ayant chassé un beau sanglier, il jette un os à son mâtin, lequel, fait curieux, sera tué par la petite chienne de la Dame. Épouvanté, Dom Diogo se signe. Son épouse tente alors de s'enfuir avec les enfants. L'époux réussit à arrêter son fils et l'épouse s'envole avec leur fille par une fente du palais et disparaît dans les montagnes, sans que personne ne la revit plus jamais.

La suite, un épisode connu à cause de l'histoire du Cheval Pardalo , se rapproche partiellement de ce que Claude Lecouteux considère une des possi-bilités d'un second type de dénouement, c'est à dire, la "rencontre d'un être secourable, humain ou animal, qui fournit au héros les renseignements nécessaires au bon aboutissement de sa quête" (302). En effet, quelque temps après la disparition de la Dame, Diogo Lopes partit en croisade à Toledo où il fut fait prisonnier. Son fils, Inigo Guerra, voulant le sauver, suivit le conseil de ses hommes et chercha sa mère dans les montagnes. Elle lui donna un cheval qui devrait l'accompagner tout au long de son existence et avec lequel il serait toujours victorieux. Pardalo conduira Inigo Guerra à la porte de la prison où était son père. Il le trouve dans une étable et, avec la force de l'animal, il réussit à enfoncer la porte, à libérer Diogo Lopes et à le ramener en Biscaye, où ils arrivèrent avant la tombée de la nuit. Le conte se termine par la mort du père et la prospérité de son fils.

Avec ce renouvellement du pacte, cette fois-ci entre la mère et son fils, on devrait s'attendre à une deuxième punition. Mais elle n'aura lieu qu'au moment où les descendants de la famille cessent d'accomplir la dernière exigence de la Dame: chaque fois qu'un seigneur de Biscaye serait à Vusturio, toutes les entrailles des vaches tuées devraient être déposées hors du village, sur un rocher. Après la sixième génération de la famille, on a désobéi et la Dame – désormais métamorphosée en serpent pour avaler son repas – se déguisa alors en écuyer pour coucher avec les femmes du village et les vider de leur sang.

Au début, la fonction de la Dame s'associe surtout à la fécondité reproductrice et, après la rupture diabolique, elle continue d'assurer la protection de la lignée, en aidant le fils à libérer son père. Isabel Cardigos remarque que ce comportement la rapproche de la déesse gallo-romaine Epona, protectrice des chevaux et des chevaliers, avatar de la déesse jument à laquelle le roi s'unissait chaque année pour assurer la prospérité du domaine (183) . Pourtant, à la fin de notre récit, ce sont les maîtres du domaine qui garantissent le rituel de la nourriture de la Dame, maintenant masculinisée en écuyer ou transformée en serpent, maléfiques tous les deux, joignant, par cette métamorphose, l'une des variantes le plus connues de ces légendes .

Quant aux autres traits du conte mélusinien, ils sont tous présents: union d'un être surnaturel à un mortel, à condition de respecter l'interdit , et trans-gression qui fait disparaître l'être supérieur (Dumézil, 1929; Lecouteux, "Les légendes"; Hard-Lancner, 119 sv.). Bien que d'habitude, la nouvelle famille agrandisse ses domaines et, après l'abandon surnaturel, elle entre en déca-dence, ici, le chaos s'installe à un moment imprécis au cours de la cinquième et la sixième génération des Haros, les dernières de la période fondatrice. Quant à la fonction défricheuse, on sait que Inigo Guerra a gardé la terre, mais, à la fin, le village est à nouveau assujetti à un sacrifice qui renverse la supposée protection initiale, faisant place à la tyrannie.

Si l'on pense au merveilleux en tant que genre, c'est-à-dire, aux contes merveilleux, on a de quoi s'interroger, car, bien que, sur le plan de l'imaginaire, les fautifs soient punis, ce n'est pas du tout un happy end, car tout le monde est perdant. C'est plutôt un récit de la décadence provoquée par le danger et les risques de ces alliances perverses. Il s'agit, cependant, d'une solution juste du point de vue axiologique. Dans cette perspective, suivant Francis Dubost, le merveilleux assure, dans le plan de l'imaginaire, un monde sans faille, idéologiquement optimiste, faisant valoir les droits de justice selon «une morale sociale et religieuse naïve» (132-133) et, par ce biais, la tranquillité s'installe (Le Goff, "Mélusine, 303 sv.). Il ne faut toutefois pas oublier qu'il n'y a pas de bonheur. La morale de cette défaite véhicule non seulement la pensée et les valeurs d'une époque, mais aussi la décadence de la famille des Haros qui voyait la Dame aux origines féeriques de leur lignée. Or, c'est justement à cause des rapports avec la réalité concrète d'une famille que les successives actualisations du conte rapprochent les récits mélusiniens de la légende (Le Goff, "Mélusine", 303-310). Leur univers diffère de l'invraisemblance vraisemblable propre au fantastique (Furadu, "Fantastique"), car le merveilleux accueille le surnaturel comme une composante naturelle du monde qu'il construit (Caillois, 9).

Il faudra, toutefois, saisir d'autres traits du merveilleux, en tant que catégorie sémantique, appartenant virtuellement à un genre spécifique. Le Goff nous rappelle que l'imprévisibilité, en tant que sa fonction essentielle, et la pluralité autorale sont spécifiques d'un merveilleux qui, avant l'intervention du Christianisme, était produit par d'innombrables puissances ou êtres surnaturels (Le Goff, "O maravilhoso". 22-29). De même, lorsque Paul Zumthor analyse les trois types de causalité, il présente l'absence de cause comme le propre du féerique pur, où, selon ses propres mots, "toute causalité est, au mieux, réduite à l'idée d'agens." (Zumthor, 139). Or, c'est justement le cas de ces Dames Abondance qui offrent leurs faveurs sans qu'on les leur demande; il leur suffit de reconnaître du courage chez le bénéficiaire, confirmé, dans notre cas, soit par la chasse, soit par la bravoure de ses antécédents .

Au Moyen Age, cette Mélusine est "l'avatar de la déesse-mère, en tant que fée de la fécondité" (Le Goff, "Melusina", 305). Nul doute, cependant, que, dans le cas portugais, comme d'ailleurs dans d'autres cas, on se trouve déjà dans le domaine du merveilleux chrétien. Le noyau primitif de ces contes à l'origine incertaine et surtout lointaine – voire celtique, indo-européenne (Le Goff, "Melusina", 305) –, avait depuis longtemps été soumis au contrôle de l'Église. En effet, on remarque la diabolisation du noyau principal, pas seulement à travers la nature religieuse de l'interdit que la Dame impose, mais aussi par le caractère dégradant d'un mariage entre un mortel et un animal, ou plutôt, un hybride , et par la diabolisation du féminin. En conséquence, Diogo Lopes devient doublement coupable.

La transformation du merveilleux tout court en miraculeux ou, si l'on veut, en merveilleux chrétien, a effacé ses éléments prototypiques. Le surnaturel devient le fruit d'un seul Auteur et de ses intermédiaires. Cette sorte d'explication compromet la spontanéité propre au surnaturel d'origine préchrétien. Toutefois il persiste soit comme forme de résistance à l'idéologie dominante, soit comme réaction fulgurante ou bouleversante à un quotidien sombre.

Dans le cadre de notre Dame au pied de chèvre, on se rend compte d'une nouveauté sur le plan de l'historicisation des récits mélusiniens. Le grand défi concerne justement l'établissement d'une harmonie entre une entreprise nettement chrétienne – la croisade contre les maures – et les actions commandées par une fée en train d'être diabolisée. Lorsqu'on s'aperçoit que la libération de Diogo Lopes, du joug musulman fut favorisé par l'intermédiaire d'un objet magique offert par la Dame et que les conditions qu'elle exige à Inigo Guerra prolongent le pacte maléfique, il y a quelque chose d'incompréhensible dans l'aide qu'elle apporte à un chevalier chrétien, surtout quand il est, lui-même, sous le pouvoir des maures, donc, des alliés de la Dame-diable et de sa cour. Si l'on essaie de trouver une explication cohérente dans une hypothétique dimension maternelle, protectrice, qui, indifférent à tout – aux questions historiques, à la (il)légitimité de la guerre que les chrétiens mènent contre les musulmans –, vise à rétablir l'ordre de ceux qui accomplissent le rituel, en préservant à tout prix l'intégrité de la famille et du patrimoine, tout se dérobe devant la nature imputée aux sujets de l'action: masques et prolongements diaboliques qui enlèvent un chrétien aux maures, leurs complices. L. Kruz interprète le geste bienfaiteur de la Dame comme un renforcement des pouvoirs béliques; indifférente à la trahison du passé, elle assure les victoires de la lignée, alors représentée par son fils, Inigo Guerra (17-18). Ce changement d'attitude, bien qu'expliqué par les racines du mythe, ouvre, cependant, une fissure dans l'identité de la Dame dont le moins que l'on puisse dire est qu'elle protéique.

Je n'arrive pas à trouver une autre représentation du démoniaque qui fa-vorise la libération d'une victime d'une guerre qu'on croyait sainte. Y aura-t-il d'autres manifestations diaboliques si bénévoles et tolérantes, j'oserais même dire, œcuméniques, avant la lettre? On pourrait postuler une fausse aide avec l'intention de nuire, mais, ici, tout au contraire, le diable masqué sauve le chré-tien en instaurant une logique nouvelle, autre, méconnue. Pendant un bref instant, l'invraisemblance fait irruption dans le vraisemblable. Cette manifestation de l'irréconciliable est plutôt une aporie qui empêche de comprendre le statut de la Dame, devenu ambivalent. La brèche ainsi ouverte entre le monde féerique et sa christianisation crée une contradiction sémantique insoluble, une ambiguïté ou une indétermination qu'on dirait plutôt fantastique. Accidentelle, certes, mais fantastique, tout de même . À la suite de F. Dubost, je ne prétends pas affirmer l'existence d'un genre fantastique au Moyen Âge, mais on ne peut quand même pas nier son occurrence en tant que catégorie sémantique vouée à l'élaboration de formes et de situations incompatibles, étant donné les connaissances et croyances de l'époque (137-141).

Dans la Dame au pied de chèvre, la présence du fantastique est loin d'ébranler son édifice textuel. En dépit de l'hybridisme mi-fée, mi-démon, et d'un instant de logique méconnue, c'est le pouvoir de la nature qui s'affirme et qui assujettit l'homme condamné au sacrifice rituel pour éviter le chaos .

Cette légende lègue à la postérité un surnaturel que le latin exprimait avec le pluriel mirabilia et qui réunissait des éléments puisés à plusieurs sources: bibliques, anciennes, barbares, orientales, folkloriques. L'avènement des Lumières le verra avec d'autres yeux et dorénavant il ne rencontrera jamais plus l'acceptation que le Moyen Âge lui voua. Renié, il deviendra le troublant "impossible et pourtant là" de Roger Bozzetto (1), c'est-à-dire, le fantastique.

2. En effet, presque tous les théoriciens qui étudient le genre fantastique le présentent comme une réaction romantique au positivisme rationaliste de l'époque précédente et au refus d'attitudes mentales fondées dans l'adhésion au surnaturel (Caillois, 1996; Vax, 1959 et 1965; Bachelard, 2001; Bozzetto et Huftier, 2004). Il s'agit, en fait, d'une attitude quelque peu relativiste, car elle le fait dépendre d'une conjoncture précise, surtout si on l'applique au fantastique en tant que catégorie esthétique. Or, s'il est vrai, comme le note Irène Bessière, qu'on ne peut borner l'univers de référence à la rationalité – comme l'ont fait des auteurs tels que Caillois, Vax, Todorov – et qu'il faut aussi considérer les croyances du moment (1974), l'identification du fantastique ne peut reposer que dans un facteur extérieur au texte. Cela va de même pour ceux qui signalent la réception comme critère d'identification se rapportant à l'effet fantastique que le texte produit : le désordre propre au fantastique trouble les esprits et déstabilise le réel, en provocant des sentiments de terreur, malaise, épouvante, ambiguïté (Bozzetto, Chareyne-Méjan et Pujade, 1980; Bozzetto, 2005). Sans vouloir les négliger, ils semblent, toutefois, quelque peu fragiles et trop centrés sur le récepteur. Au-delà de l'ébranlement du protocole mimétique, responsable de l'effet de réel, engendré par l'intrusion de l'impossible dans le quotidien (Bozzetto, "La production…" et "Fantastique…"), je me demande s'il ne faut pas se centrer, plutôt sur le discours et y chercher soit chez les per-sonnages, soit chez le narrateur des marques de ce que Michel Vignes nomme une poétique de la peur (Benhamou) .

Et l'on passe maintenant d'une superposition du miraculeux au merveil-leux, laquelle dévoile la difficulté de l'Église pour contrôler les racines païennes, en dépit d'un effort de diabolisation mal résolu, à l'époque romantique, avec un texte où domine la logique chrétienne de châtiment et repentir et la netteté des frontières entre les deux mondes, questionnés pourtant par le circuit narratif entre le jongleur qui raconte l'histoire et ses auditeurs qui en doutent.

Dans la version homonyme de Alexandre Herculano je voudrais aborder trois aspects: tout d'abord l'effort pour dépasser l'aporie de la légende médié-vale – c'est d'ailleurs un trait commun au troisième conte –, ce qui, finalement, paraît sanctionner ma thèse; puis, deux aspects essentiels à l'effet fantastique: l' emphase sur l'effrayant, l' épouvantable, en articulation avec le détail des descriptions; et ce qui du reste est, à mon avis, décisif, l' encadrement discursif qui entoure l'histoire, c'est à dire, le dialogue que le narrateur établit avec son auditoire.

En ce qui concerne le contenu, par rapport au binôme merveilleux – fan-tastique, on remarque qu'il n'y a pas de profondes dissemblances, ce qui, d'ailleurs, ne surprend pas, car la différence est plus discursive que thématique (Caillois, Cohérences… 74). Quant à celle-ci, Filipe Furtado préfère parler d'une multitude hétérogène d'éléments méta-empiriques, où il inclut soit le surnaturel, soit des connaissances, pour l'instant méconnus des autres, mais qui, à l'avenir, pourront appartenir au domaine publique (Furtado). La surnature, dans sa modulation fantastique, devient un "impensable et pourtant là" (Bozzetto, "Réflexions…", 11). La raison ne l'accepte pas, mais on ne peut nier son existence (Bozzetto, "Roger Caillois…"). Le discours, pour sa part, questionne d'une façon plus ou moins directe, plus ou moins angoissée, les évènements inexplicables.

Alexandre Herculano, se rendant compte de l'ambivalence de la Dame médiévale créée par l'aide qu'elle apporte à un chrétien sous le joug des mu-sulmans, lui crée une motivation et, en même temps, lui fait reconnaître sa limi-tation, en tant que masque du diable, et de ce fait, soumise à la volonté divine. En effet, au moment où Inigo Guerra la retrouve dans les montagnes, elle lui dit que, si elle en avait le pouvoir, elle aurait déjà libéré Diogo Lopes, mais, selon ses propres mots, "le vieux tyran du ciel" veut qu'il souffre pendant une période équivalente au nombre d'années qu'il a vécu avec elle (60). C'est quand même une tentative frustrée, car l'intention ainsi exprimée ne résout pas l'ambigüité héritée de la Dame médiévale. En outre, dans le récit de Herculano, l'antagonisme chrétiens – maures s'explicite et se radicalise: lors de la première rencontre entre Diogo Lopes et la Dame, il lui demande si elle appartenait à la "race damnée" des "chiens de Mahomet" (37). Dame au pied de chèvre et mahométans sont ainsi une autre face de Satan. Par conséquent, à la fin, elle devient complice, sinon même agent indirect, de l'offense à ses alliés-mêmes. L'aporie se maintient avec l'ambiguïté de l'hybride qui, par ce biais, ne renvoie pas à un système unique et univoque d'interprétation . D'un clin d'œil, le fantastique, à présence interstitielle, s'installe dans l'abyme des deux mondes qu'on a manqué d'harmoniser. En outre, dès que la Dame disparaît (jusque là on y trouve les mêmes éléments mélusiniens que dans la version médiévale), à son identité de "grande fée" (44), selon les mots d'un domestique d'Inigo, l'abbé qui conseille Diogo Lopes ajoute celle de revenant (45), après quoi il lui raconte son histoire.

Dans la deuxième partie (le conte est divisé en trois Trovas), une métadié-gèse rend compte des origines lointaines, soit de la "dame de la forêt", soit de l'onagre qui l'accompagne et qui joue ici le même rôle que le cheval Pardalo médiéval. Ces figures sont les âmes d'une comtesse et de son amant con-damnés à l'enfer par adultère (55). La complexification de leur provenance, au lieu de questionner l'identité de la Dame mélusinienne, la juxtapose à une autre, préalable, comme si les deux masques cachaient un même sens. C'est en fait ce que le conte conclut: fée ou revenant, il s'agit toujours d'un masque de Satan (45).

Si en ce moment on aborde l'effet fantastique, on remarque un grand in-vestissement sémantique aussi bien dans les réactions terrifiées des person-nages, que dans les descriptions détaillées des espaces ou encore dans celles des figures effrayantes. Je cite à peine l'épouvante du fils quand il retrouve sa mère dans la forêt et la graduelle métamorphose diabolique de la Dame . Outre le champ des réactions il faut aussi remarquer un trait inaliénable dans le contexte du fantastique, c'est-à-dire, le comportement a-normal du temps et de l'espace que l'on témoigne en marge de toute loi naturelle : la nature orageuse et infernale accompagne l'élision du temps et de l'espace agencée par la dame quand elle offre l'onagre à Inigo .

Devant ces images troublantes d'horreur et d'effroi, on peut s'imaginer une réception sympathique, au sens étymologique du terme, de la part du lecteur. Mais, en ce qui concerne le cadre discursif qui entoure l'action, on ne doit pas omettre qu'il contrebalance quelque peu ce qu'on peut appeler une poétique de la peur, à travers le questionnement de l'incroyance. En effet, le jongleur s'adresse à un auditoire réfractaire à toute sorte de surnaturel – sorcières, revenants, diableries – et, pour renforcer la véracité de l'histoire, il recourt à l'auctoritas d'un vieux livre et à une vieille tradition . Au cours du récit, il maintient son dialogue avec les récepteurs, en continuant de proclamer la crédibilité de son sujet et, pour mieux les persuader, il fait la preuve de sa sa probité en concluant l'histoire par la mort de Inigo Lopes, après quoi, sa source se tait. Par conséquence, il refuse d'en inventer une nouvelle suite .

Devant ce tableau, on peut s'imaginer un auditoire qui, ne croyant pas aux fantômes, il en a cependant peur devant l'atmosphère effrayante engendrée tout au long du récit. On se trouve donc face à l'essence même du fantastique. D'autre part, il faut aussi remarquer que ce dialogue et tout le discours persuasif que le narrateur construit créent un effet de réel indispensable à la perception du fantastique. Il est évident que le protocole mimétique ne se restreint pas au discours, il est aussi indispensable, sinon encore plus, dans le plan de la diégèse. Rappelons, par exemple, la valeur rassurante de "la dernière feuille d'un livre de saints gode" avec plus de cent ans où l'abbé a lu les origines de la Dame revenant.

Dans ce tissu narratif, je crois entrevoir, cependant, un auteur qui joue avec ces deux effets (réel et fantastique), en s'amusant avec la contradiction des serments initiaux et le nombre d'interprétations qu'un contexte purement surnaturel pourrait offrir.

3. Finalement, avec "Fascinação" (2004), de Hélia Correia, on s'aperçoit de deux univers presque parallèles dont les rares contacts ou les effets fortuits, mais effrayants, engendrent l'anxiété, la peur et le soupçon, soit chez Dona Sol, soit chez ceux qui l'entourent.

Du point de vue de l'intrigue, le narrateur féminin revisite une légende du passé et remplit une lacune méprisée par ses devanciers. Dona Sol, le nom que A. Herculano a attribué à la fille kidnappée par la Dame, est la protagoniste de ce récit présenté comme un produit de l'imagination . Le narrateur même se permet d'appeler fantaisiste l'épisode de la libération de son père .

Le passé est brièvement remémoré et l'attention est centrée sur la jeu-nesse de Dona Sol, dont la beauté était parfaite. Ses cheveux roux consti-tuaient le seul indice diabolique. Nulle trace d'autre anomalie physique. Elevée par sa mère, elle était triste et malheureuse. En dépit des fêtes, elle se sentait étrangère et regrettait l'absence de son frère. Reconnaissant cet amour incestueux, la Dame l'a renvoyée sur terre pour qu'elle puisse satisfaire son désir, mais le "bras du Seigneur" l'éloigna du château de Inigo Lopes.

Hélia Correia maintient le contexte historique médiéval et on voit Dona Sol se marier avec un châtelain séduit, lui aussi, par son chant, mais sans aucun autre interdit. Il y a donc une rupture presque absolue avec les contes mélusiniens tels qu'ils sont définis par Isabel Reis (2003). Bien que le couple menât une vie chrétienne, le comportement de la femme était bizarre. Quant elle montait à cheval, elle semblait s'envoler et à son retour elle se couchait en faisant un étrange vacarme. Son mari la laissait seule et peu à peu il se mit à la craindre. Sans explication, étrangement, les voyageurs cessèrent de s'approcher du château. L'élément effrayant éprouvé par les autres ne s'explique pas, il se réduit à la «pure indétermination» de l'objet proposé à leur sens.

L'atmosphère redoutable envahit tous les personnages en créant l'effet fantastique. La protagoniste, pour sa part, poursuivait son dessein. L'union incestueuse avec son frère est le seul projet qui l'anime et qui la fait courir en vain. Ce sera toujours une transgression purement virtuelle, car, dans l'autre monde, tandis que la Dame soufflait pour pousser Dona Sol vers Inigo, le Sei-gneur ou sa légion d'anges la frappait ou créait un vide entre les deux. Il y a donc un monde surnaturel d'où les antagonistes veillent sur le sort de leurs protégés terrestres (on ne peut pas dire humains), ou, plutôt, essaient de garantir leurs codes moraux à travers des interventions épisodiques, conflictuelles et toujours imperceptibles au monde naturel. Ce combat représente en soi-même et a comme conséquence ce que Paulo Pereira appelle le «partage incommunicant des sphères du féminin et du masculin» qui, sans être une nouveauté (2008: 52), renforce le thème de l'impossible communication verticale et horizontale, et du silence et de l'abîme entre les êtres, impuissants dans leurs volontés.

En fait, dans son expérience terrestre, Dona Sol n'arrive pas à avoir un statut défini, elle est toujours écartée de son monde, fût-ce celui des damnés ou de celui des chrétiens, mortels; mais elle est aussi et surtout éloignée de son amour: son frère. Elle est l'incarnation-même de la déchirure (Quinsat 1980); son manque d'identité ne peut la rapprocher de qui que ce soit car elle a une nature double et ne réussit pas à se réintégrer.

Il lui reste la promesse de sa mère: elle retrouvera son frère si elle se mé-tamorphose en Dame au pied de chèvre. Enfin, on a une condition, précisément le parcours inverse de la Dame. Cependant, c'est celle-ci qui reconnaît l'extrême difficulté de la tâche .

Le dénouement du récit explique son début mystérieux et troublant: Dona Sol touche ses pieds nus malgré l'hiver et des lunes affreuses dansent dans l'air car – on le sait à la fin – elles reflètent le jeu des sorcières qui s'en ser-vaient comme pour jouer au ballon. Et Dona Sol, obsédée et déjà folle, regarde toujours ses pieds.

L'entrée abrupte dans le fantastique, se voit renforcée par les inquiétantes demandes de Dona Sol, les différents doutes et suspensions qui traversent le conte et aussi un nouvel élément d'hybridation ajouté à la complexité de la Dame: son élévation vers le haut met en doute l'attribution d'une nature démoniaque. Les témoins s'en doutent car on savait que les démons ne s'élèvent pas dans les airs (p. 14). Ces facteurs, alliés à la sauvagerie solitaire et terrifiante de Inigo Lopes, construisent un conte ancré sur une poétique de la peur et de l'angoisse (Benhamou).

Du Moyen Age jusqu'au XXIe siècle – un voyage dans le temps, non ex-clusif du fantastique – on s'est aperçu qu'avec les mêmes éléments on a pu construire des univers diversement mis en rapport avec le monde réel. Le privi-lège d'un surnaturel, on pourrait dire ancestral, capable de résister à des conditions de production et de réception si dissemblables, a permis la création d'un éventail de mondes fictionnels qui, selon le jeu établi entre imagination, systèmes de connaissances et de croyances, et réel quotidien engendrent des effets surprenants.

S'agissant des contes qui établissent entre eux un rapport hipo-hypertextuel , il serait difficile d'ignorer l'héritage qu'ils portent et le dialogue commenté qu'ils enregistrent. Reste à demander s'il serait possible d'évaluer le fantastique sans aucune connaissance sur l'encyclopédie que chacune de ces œuvres suppose; ou alors, sans connaître le moment où elles ont été écrites. Il est probable que les exemples présentés soient trop évidents, mais, quel que soit le critère choisi, pour saisir le fantastique, il devra résister à l'ignorance historico-littéraire du lecteur.


Ana Maria Machado
Doutorada Literatura Portuguesa e Estudos Culturais.
Professora Auxiliar do Departamento de Línguas, Literaturas e Culturas da Faculdade de Letras / Universidade de Coimbra Membro do Centro de Literatura Portuguesa/ Universidade de Coimbra
Recebido em 27/02/2011 Aceito em 30/04/2011

Bibliographie:

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Notas

1 - Pour le contexte historique, voir Krus (20-34)
2 - Sur la date de composition et son auteur probable, voir Krus (24-31). Pour le texte, voir Mattoso (69-73).
3 - Je suis Herculano (1992). Le conte fut publié pour la première fois dans la revue O Panorama, 2ª série, 2º vol, 88, 2-9 (septembre, 1843): 279-280; la première édition en livre date de 1851 (Rodrigues, 149).
4 - Isabel Cardigos remarque que même Laurence Harf-Lancner ne la connaît pas (87) – elle en arrive même à croire qu'il s'agit d'une version espagnole (181)!
5 - Bien qu'elle puisse être une divinité des bois, comme dans la version portugaise, la configuration aquatique du mythe a eu un grand succès (Le Goff, "Melusina").
6 - La troisième dans l'idéologie tripartie indo-européeenne (v. infra). Le boeuf en représente la première fonction, la souveraineté juridico-politique, et le cheval; la deuxième, celles des braves guerriers; la dernière, la vache, la fonction nourricière des laboratores (Kruz, 14-20). À propos de cette tripartition, ses fonctions et son histoire, voir Dumézil (1977), Duby (1982) et Le Goff (1979).
7 - Le quatrième seigneur de Biscaye; le Livro de Linhagens considère cinq générations qu'on peut considérer responsables de la fondation du lignage (Portvgaliae, 137-141 et Kruz, 14). Précédant la généalogie de la famille, on a trois histoires: l'indépendance de Biscaye, par Furtam Frooez, exilé avec son père, le frère du roi d'Angleterre. Ils ont su que le comte Moninho d'Asturias les forçait à lui rendre chaque année une vache, un bœuf et un cheval blanc, les symboles indo-européens des trois fonctions de l'idéologie mentionnées ci-dessus et, en leur demandant s'ils le voulaient pour seigneur, il l'a tué au cours d'une bataille dans le champ de Arguriegas ('pierres rouges'), ainsi nommé à cause du sang.
8 - Il s'agit d'un dérivatif du portugais "pardal" qui signifie moineau. "Le cheval Pardalo" n'est pas un autre récit, mais plutôt un autre épisode de l'histoire mélusinienne; non seulement parce qu'il en est le dénouement, mais aussi par sa disposition originelle dans le Livro de Linhagens.
9 - C. Lecouteux voit dans ces figures les origines mythiques des légendes mélusiniennes (Mélusine, 159-171).
10 - Il suffit de penser au roman le plus célèbre, celui de Jean d'Arras, ou à bien d'autres histoires rapportées par Gui d'Auxerre (XIIe siècle) ou Gervais de Tilbury (XIIIe siècle).
11 - Il va sans dire qu'au début, les légendes mélusiniennes n'avaient pas d'interdit religieux (voir Lecouteux, 1978; Le Goff, 1980).
12 - Voir la témérité de Furtam Frooez dans "Independência da Biscaia" (Mattoso, 69).
13 - À propos de ce récit, Ana Morais (2009) analyse, de façon érudite, les distinctions que le Moyen Age s'est efforcé d'établir pour définir l'essence de l'être humain, par rapport à l'animal (1-16).
14 - Reste à savoir quelle perception en a eue l'auditoire. Tout du moins, il me paraît licite d'attendre quelque surprise devant la nouveauté bizarre et inexplicable. Considérant la doxa de l'époque, l'hypothèse de la protection de la famille à tout prix, ne paraît pas du tout convaincante.
15 - Ce serait un beau conte écologique si la richesse que ces Mélusines apportent ne se manifestait surtout dans des richesses matérielles, c'est à dire, des châteaux, monastères… On a beau être surpris, elles sont plus liées qu'on ne le pense à la civilisation.
16 - C'est-à-dire, si l'on attend que le lecteur éprouve des sentiments de peur, de terreur ou d'angoisse, on peut aussi postuler l'existence de lecteurs soit impassibles soit entraînés dans leurs lectures et par conséquent insensibles à ce qui serait l'effet prévu.
17 - L'option présentée par le récit de A. Herculano complique davantage le statut de cette dame car, avec l'introduction de l'histoire de la belle dame de la forêt, il la présente comme une sorte de revenante: "Ui! filho – bradou o frade –, fizeste maridança com uma alma penada!" (45).
18 - "–Minha mãe! minha mãe! – bradou Inigo Guerra, alevantando-se: e lá consigo dizia: - «Vade retro! Santo Hermenegildo me valha!» E como molhara a cabeça, sentiu que os cabelos se lhe iam alçando de arrepiados. (…) O moço cavaleiro nem acertava a falar com medo." (60).
19 - "O barão olhou para ela: viu-a com os olhos brilhantes, as faces negras, a boca torcida e os cabelos eriçados. E ia-se alevantando, alevantando ao ar, com a pobre Dona Sol sobraçada debaixo do braço esquerdo; o direito estendia-o por cima da mesa para seu filho, D. Inigo de Biscaia E aquele braço crescia, alongando-se para o mesquinho que, de medo, não ousava bulir nem falar. E a mão da dama era preta e luzidia, como o pêlo da podenga, e as unhas tinham-se-lhe estendido bem meio palmo e recurvado em garras." (40-41)
20 - "E logo, logo, ouviu-se um ruído abafado como de trovões e de ventanias engolfando-se em covoadas; depois o céu começou de toldar-se e cada vez era mais cris, até que, enfim, apenas uma luz de crepúsculo o alumiava. E a mansa almácega refervia, e os penedos rachavam, e as árvores torciam-se, e os ares sibilavam. E das bolhas da água da fonte, e das fendas dos rochedos, e dentre as ramas dos robles, e da vastidão do ar via-se descer, subir, romper, saltar... o quê? Cousa muito espantável. Eram mil e mil braços sem corpos, negros como carvão, tendo nos cotos uma asa, e na mão cada um uma espécie de facho. Como a palha que o tufão levanta na eira, aquela multidão de candeias cruzava-se, revolvia-se, unia-se, separava-se, remoinhava, mas sempre com certa cadência, como que dançando a compasso." (62-63).
21 - "Vós os que não credes em bruxas, nem em almas penadas, nem em tropelias de Satanás, assentai-vos aqui ao lar, bem juntos ao pé de mim, e contar-vos-ei a história de D. Diogo Lopes, senhor de Biscaia. E não me digam no fim: «Não pode ser.» –Pois eu sei cá inventar cousas destas? Se a conto, é porque a li num livro muito velho. E o autor do livro velho leu-a algures ou ouviu-a contar, que é o mesmo, a algum jogral em seus cantares. É uma tradição veneranda; e quem descrê das tradições lá irá para onde o pague. Juro-vos que, se me negais esta certíssima história, sois dez vezes mais descridos do que S. Tomé antes de ser grande santo. E não sei se eu estarei de ânimo de perdoar-vos, como Cristo lhe perdoou." (35).
22 - "Quer mo creiam, quer não, di-lo a história: eu com isto não perco nem ganho." (69).
23 - "Como não quero improvisar mentiras, por isso não direi mais nada." (73).
24 - Paraphrase de Madame du Deffand, amie de Walpole: "Je ne crois pas aux fantômes, mais j'en ai peur", cité par Bozzetto ("Roger Caillois…").
25 - Fascinação seguido de A Dama Pé-de-cabra. Lisboa: Relógio d'Água. Le titre se rapporte d'abord à la fascination de Dona Sol envers son frère, puis envers ses pieds mêmes, qu'elle regarde sans cesse, envers l'autre monde dans lequel elle hésite à pénétrer ; et, finalement, la fascination que le conte exerce sur nous. Le mot portugais arrive à travers le français (1488), exprimant l'attraction irrésistible et paralysante exercée par le regard sur une personne, un animal; dérivé du lat. fascinátio,ónis 'enchantement, attraction, sorcellerie'. Voir O Dicionário Electrônico Houaiss …
26 - "De que modo cresceu a rapariga, não fica ao nosso alcançar imaginar. Se foi na terra negra dos infernos (…) ou num éden pagão (…) nunca ela a cristão o revelou. Decerto se passou entre mulheres a sua aprendizagem, pois sabia pentear-se e bordar na perfeição" (16).
27 - "Episódios de aberta fantasia, como tê-lo ajudado sua mãe a libertar o pai das prisões mouras" (16).
28 - Le facteur généalogique, sans importance, dans ce récit, est déterminant pour le choix du fils dans le conte médiéval, comme on le remarque dans Fascinação, p. 15. Puisque ce n'est pas là le sujet de mon étude, je ne m'attarderai pas sur l'hypothèse, stimulante certes, mais, à mon avis, excessive, d'inceste qui, selon Helena Buescu, est présente dès la légende médiévale (2005: 100-106)
29 - "São precisos empenhos que nem sonhas" (22).
30 - Hipertexte, au sens greimasien, qui a pris le texte médiéval comme hipotexte.

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